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Contribution au débat pour la reconstruction politique de l’abolitionnisme féministe

Lettre ouverte au Collectif national pour les droits des femmes

jeudi 31 octobre 2002, par Dominique Foufelle

Paris, le 24 octobre 2002 [1]
Le 31 août 2002, le Collectif national pour les droits des femmes adressait un texte d’"invitation" [2] à une "réunion" en date du 26 septembre. Cette réunion, initiée par le "groupe prostitution" du Collectif, était présentée comme s’inscrivant dans la suite de "la réflexion critique sur le système prostitutionnel" déjà engagée lors du "forum débat des 8 et 9 mars" [2002].
Je m’y suis rendue. Mais, compte tenu de l’organisation de cette réunion, du nombre important de participant-es [3], comme du faible temps dont j’aurais pu disposer, j’ai ressenti le besoin d’une distance pour construire un argumentaire que la prise de parole immédiate n’aurait pas permis. Je me suis donc donné les moyens de mieux comprendre les raisons du malaise que j’avais ressenti à la lecture du texte d’invitation….

Ce n’est donc qu’au terme de ce travail que je comprends la gravité des critiques que je vous adresse [4].

Un préalable. Vous pourriez invoquer à l’encontre de cette réaction/ contribution, l’argument selon lequel cette critique dépasse largement le cadre d’un texte d’une page d’invitation à une réunion. Cependant, dans la mesure où le projet de votre réunion était de poser un cadre d’analyse qui devait servir de "bases" aux partis, associations, syndicats et individu-es que vous invitiez à vous rejoindre, l’analyse de votre texte, suivie de celle de la réunion du 24 septembre méritait d’être réfléchie au regard de l’ambition que vous lui assigniez .

À cet égard, il faut garder en mémoire que :
* Les tenants de la légitimité du système prostitutionnel sont maîtres dans l’art de la confusion conceptuelle. La clarification des enjeux du débat est donc essentielle.
* Tous les mots, tous les termes, tous les concepts que nous employons ont été constitués dans et par des analyses considérant la prostitution comme "normale", "naturelle", "évidente", " justifiée", "nécessaire". Et qu’à ces termes ce sont ajoutés en outre ceux issus du libéralisme patriarcal.
Tous les mots, termes, concepts employés - porteurs de siècles de légitimation de la domination patriarcale, aujourd’hui relégitimée et aggravée par le marché - doivent donc être repensés avec ce double regard critique.

Je distinguerai la critique du texte de présentation-invitation, de la réunion elle-même. Et, en conclusion, dans la poursuite du projet politique initié par l’Appel à entrer en résistance contre l’Europe proxénète, lancé par le CPL [5], je poursuivrai le travail de re-construction d’un abolitionnisme féministe pour le XXIe siècle [6].

J’apporte donc par ce texte ma contribution à la reconstruction politique de l’abolitionnisme féministe.

I) Texte, en date du 31 août, de présentation-invitation à la réunion du 24 septembre 2002 [7]


J’ai d’emblée été frappée de la coupure politique entre sa première et la seconde partie. Dans les cinq premiers paragraphes, l’analyse est présentée sur le mode affirmatif. Dans la seconde, cinq questions, qualifiées d’"enjeux actuels", se référant, elles, à des positions politiques concrètes, sont présentées sur un mode interrogatif.
Ce distinguo est important car seule l’adhésion à votre analyse était présentée comme conditionnant la participation à la réunion du 24 septembre : c’est en effet après sa présentation qu’il est question d’"accord avec les bases définies ci-dessus". Ainsi, il n’y avait pas de préalable politique demandé aux futur-es participant-es concernant les politiques actuelles. Ceux et celles que vous convoquiez à cette réunion étaient donc engagés par votre analyse, mais ne l’étaient pas sur un programme minimum commun [8]
Tout en étant consciente que ce choix de méthode rend difficile l’appréhension d’une critique globale, j’ai dissocié ces deux parties, que j’ai analysées, pour plus de clarté, paragraphe par paragraphe.

I. Première partie. Le cadre d’analyse sur le système prostitutionnel
Premier paragraphe
Vous vous inscrivez dans le cadre de la poursuite d’"une réflexion critique sur le système prostitutionnel" et vous nous dites comment vous "pensez" [9] ce système : "comme une violence contre les femmes, comme un des piliers du système patriarcal et de l’inégalité hommes/femmes, comme une expression de la construction sociale de la sexualité (occultée par l’idéologie des "besoins sexuels naturels" des hommes) qu’il faut remettre en cause".
Cette analyse m’a inspiré les réactions suivantes :

1- Sur le lien entre : "le système prostitutionnel" et "la violence contre les femmes"
Avant de l’aborder le lien lui-même, certaines clarifications de vocabulaire doivent être faites.
a) Sur l’emploi de l’expression : "une violence contre les femmes"
Faute de rigoureusement définir l’expression de "violence", le risque est réel - et le processus est déjà politiquement largement engagé - de faire disparaître toute possibilité même d’analyse.
Celle-ci peut en effet par exemple désigner :
* les violences contre les femmes en temps de "paix" : assassinats, meurtres, mutilations sexuelles, viols, coups, tortures, agressions sexuelles, harcèlement sexuel… mais aussi les violences en temps de "guerre", à savoir les mêmes violences, auxquelles s’ajoutent celles commises par les représentants du pays, du groupe, de l’ethnie "ennemie"…
* les violences pénalisées par le droit et celles légitimées par lui.
Lorsque le terme de "violence" est inscrit au singulier, la confusion est à son comble : elle perd en outre toute signification juridique en se fondant dans le vocabulaire du sens commun. Enfin, définir le système prostitutionnel comme "une violence" signifie que celle-ci peut être considérée comme équivalente à toute autre violence : toute référence à l’analyse en terme de système devient alors impossible.
Par ailleurs, "les hommes" ne sont pas par ailleurs nommés par vous. La distinction théorique fondamentale entre les violences commises par les hommes singuliers et celles commises par les Etats n’est plus donc possible.
Ils ne sont pas nommés en tant qu’"auteurs de violences " ; il devient alors impossible de mettre en relation le sexe de l’agresseur et de celui de sa ou ses victimes, ce qui interdit toute analyse féministe.
Ils ne sont pas nommés non plus en tant que victimes eux aussi du système patriarcal. Car si ces violences masculines sont principalement exercées à l’encontre des personnes de sexe féminin, dans le cadre de relations de type homosexuelles, elles sont aussi exercées à l’encontre de personnes de sexe masculin. Il est donc fondamental d’intégrer dans l’analyse du système prostitutionnel les hommes, victimes eux aussi des violences hétérosexistes patriarcales, souvent homophobes, du fait d’autres hommes.
Il en va de la crédibilité d’une analyse féministe abolitionniste.
b) Sur la signification du lien entre : "la violence contre les femmes" et le "système prostitutionnel"
Même si l’on peut considérer que ce lien relève de l’évidence [10], il peut bien sûr être fait. Mais il faut dire que ce lien :
* ne signifie rien de rigoureux : ainsi, à quelle position contraire, cette assertion s’oppose-t-elle ? : au système prostitutionnel "non violent" ? au "consentement-libre-et-ou-contractuel-entre-les-parties" ?…
* ne permet pas de se positionner effectivement, précisément sur aucun des débats actuels.
* n’a qu’une valeur déclarative, c’est-à-dire extrêmement faible, sinon, politiquement parlant , quasi nulle [11]
Par ailleurs, il faut aussi dire qu’il est actuellement politiquement dangereux.
Il est en effet, tout à fait possible de reconnaître que le système prostitutionnel relève de la "violence", sans pour autant :
* se donner les moyens de combattre ni l’un ni l’autre ;
* prendre position contre les politiques effectivement mises en œuvre.
Il est même possible en liant, sans plus de précisions : prostitution et violences, de justifier le bien fondé de principe du système prostitutionnel.
Un exemple : On peut ainsi lire dans le rapport d’activité 2002 de l’association Cabiria, à propos des "femmes sous contraintes de julots casse-croûte" - [12] ceci : [….] "Cette forme de proxénétisme doit se comprendre avant tout dans le cadre de la violence conjugale, et donc du droit commun. Les liens entre la personne prostituée et celui qui est désigné par la loi [13] comme son proxénète sont avant tout de nature conjugale, et le fait que la femme entretienne matériellement son conjoint ou acquiert un bien avec lui, ou facilite sa vie en général est souvent le résultat d’un accord commun [14], comme de nombreux couples ordinaires". Cabiria poursuit, sans gêne apparente : "Ce qui est exceptionnel ici est que c’est la femme qui a une position économiquement dominante". Pour ensuite affirmer : "Or, contrairement à la vie des couples ordinaires où les ressources des hommes sont globalement supérieures, ce qui contribue à leur assurer plus de pouvoir, la femme tire rarement des bénéfices de sa position économique dans la relation [15]. Les violences faites aux femmes sont souvent indépendantes de leurs capacités de pouvoir économique." Et Cabiria conclut enfin : "D’autre part, tant que la femme ne ressent pas de violence de la part du conjoint [16], elle cède [17] à l’arrangement comme la majorité des femmes [….]" [18].
Dissoudre la spécificité des multiples violences du système prostitutionnel par dénonciation de certaines violences, puis dissoudre ces violences au nom de leur banalité et du "ressenti" des femmes qui "céderaient à l’arrangement, comme la majorité des femmes" [19], outre la monstruosité de l’assertion - est un subterfuge, heureusement grossier, dont la fonction est de légitimer le système prostitutionnel.
La vraie question ne réside donc pas dans la manière dont on qualifie, par l’emploi d’un mot, issu du langage quotidien, le système prostitutionnel, mais dans le jugement que l’on porte sur lui, dans l’analyse que l’on en fait. Et ce, dans le cadre de l’analyse critique des politiques globalement d’ores et déjà mises en place : elles seules sont véritablement signifiantes.

Or, il faut dire avec force qu’aucun aucun texte onusien, ni européen, ni français - et ils sont légion - sur les "violences contre les femmes" n’a jamais condamné en lui-même le système prostitutionnel [20]. Plus encore, n’ayant jamais remis en cause le processus de mise sur le marché de sexes des êtres humains, ils en ont accompagné la logique.

Une incidente. A cet égard, je voudrais, compte tenu des si nombreuses erreurs d’interprétation dont elle est l’objet - et sachant que vous n’avez heureusement pas vous mêmes employé le terme de "discrimination" - faire une critique de l’analyse couramment faite de la convention de l’ONU de 1979 dite de New York "sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’encontre des femmes" (CEDAW). Et notamment son article 6 qui pose : "Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour réprimer, sous toutes les formes, le trafic des personnes et l’exploitation de la prostitution d’autrui".
Ce texte en effet ne fait, dans ses attendus aucune référence à la prostitution, alors qu’elle évoque l’"apartheid, le racisme, le colonialisme, le néo-colonialisme…" et ne fait aucune référence à la Convention abolitionniste de 1949, alors qu’elle cite plusieurs textes onusiens de référence. Elle ne permet même pas d’y faire référence : il n’est en effet question que des "conventions internationales conclues sous l’égide de l’ONU et des institutions spécialisées en vue de promouvoir l’égalité des droits entre l’homme et la femme", qualificatif dans lequel celle-ci n’a pas sa place.
Par ailleurs, son article 6 ne s’inscrit pas, contrairement à ce qui est si souvent affirmé, dans la continuité politique de la convention de 1949. Pourquoi ?
* Parce qu’il fait régresser "la prostitution" d’atteinte à "la dignité et à la valeur de la personne humaine" - termes employés par la convention de 1949 - à celle de "discrimination à l’encontre des femmes", ce qui est, par ailleurs, en l’occurrence, absurde.
* Parce qu’il est d’abord question dans la formulation adoptée de "supprimer le trafic des femmes", sans position de principe préalable sur le système lui-même qui crée le "trafic", à savoir la prostitution.
* Parce que le mot de "traite" - qui a une signification historique et juridique employé dans la convention de 1949 et dans les trois conventions qui l’avaient précédée - a été remplacé par le terme de "trafic", à la signification essentiellement commerciale.
* Parce que l’expression d’"exploitation de la prostitution" réduit considérablement l’analyse et la critique de "la prostitution" [21], terme employé par la convention de 1949 (Cf., & 7)
* Parce que la référence aux seules "femmes" fait disparaître la portée universelle de la convention de 1949, qui, elle, fait référence à "l’un et l’autre sexe". (Article 17)

Ainsi, analyser le "système prostitutionnel" […] "comme une violence contre les femmes" est inadéquat à plusieurs titres et joue - depuis plusieurs années déjà - un rôle de leurre [22].

2 - Sur le système prostitutionnel comme : "un des piliers du système patriarcal"
La vraie question - que vous ne clarifiez pas - n’est pas de poser cette affirmation, mais de s’interroger sur la nature des relations entre les divers (autres) "piliers du système patriarcal" et le système prostitutionnel.
Vous savez en effet fort bien que nombre de tenants de la légitimité du système prostitutionnel arguent de ce que le mariage et la prostitution s’inscriraient dans un même "continuum" [des manifestations du système patriarcal] pour faire reconnaître le bien fondé du système prostitutionnel. Que le raisonnement soit faux et l’analogie inacceptable n’en fait pas moins un des classiques de leur "argumentaire". Un seul exemple : le contrat de mariage a inclus des limites aux droits d’usage du mari sur le corps de sa femme et a conféré à l’épouse certains droits positifs en la matière, tandis que rien de tel n’a jamais été posé au sein du système prostitutionnel.
Par ailleurs, dès lors que l’on se réfère à une analyse en termes de "système patriarcal" [23], le concept adéquat est celui de domination et non pas celui d’égalité. Postuler l’égalité entre les sexes, dénoncer l’"inégalité hommes/femmes", revendiquer "plus" d’égalité entre les sexes, est en effet une contradiction dans les termes : il n’y a pas d’égalité pensable entre deux sexes dont un domine l’autre, sauf à remettre en cause le système dominant.
C’est d’ailleurs la raison essentielle qui explique que l’on ne puisse analyser et dénoncer le système prostitutionnel dans les catégories légales, politiques, conceptuelles actuelles.

3 - Sur le système prostitutionnel "comme une expression de la construction sociale de la sexualité"
Le système prostitutionnel ne peut à la fois être un des "piliers du système patriarcal", tout en étant aussi défini comme une - quels sont les autres ? - ’expression" - manifestation ? - de la "construction" - strictement ? - "sociale" de la sexualité. [ sur l’emploi de ce terme, cf. &10)

4 - Sur "l’idéologie des besoins sexuels naturels des hommes"
La référence "aux besoins sexuels des hommes" - fussent-ils "socialement" construits - ne relève pas d’une idéologie, laquelle implique une construction théorique. Les "clients" des personnes prostituées n’ont en outre pas besoin d’une "idéologie" pour justifier leurs agressions ; ils mettent en pratique la loi du plus fort cautionnée par le droit du dominant qui leur accorde, contre rémunération, un droit à un accès illimité aux sexes d’autres êtres humains, des femmes dans leur immense majorité [24].

5 - Sur la "remise en cause" du système prostitutionnel
L’emploi de ce terme est, en termes de dénonciation, gravement insuffisant. Il évite en outre de se positionner par rapport aux débats sémantiques actuels éminemment politiques. Il ne se réfère notamment pas à une histoire et à un projet "abolitionniste" puisque le mot n’est pas prononcé.

Suite de l’article

P.-S.

Marie-Victoire Louis - octobre 2002

Notes

[1] CetteLettre Ouverte en date du 24 Octobre, remaniée, se substitue à celle adressée au Collectif en date du 15 Octobre. En effet, pressée par le souci d’adresser ce texte avant la réunion prévue le 16, je n’ai pas eu le temps de procéder à sa dernière lecture. J’espérais aussi, avant sa publication, recevoir et tenir compte de réactions et de critiques émanant du Collectif.

[2] Repris et diffusé le 2 septembre par le Courrier de la Marche mondiale des femmes contre la pauvreté et les violences (N°15)

[3] Etaient présent-es des personnes appartenant à plusieurs associations et partis : le SNES et FSU, les Verts, la Ligue des droits de l’homme, ATTAC, ASFAD, Fierté Lesbienne, Collectif féministe Ruptures, Mix-Cité, Maison des femmes, FAT, Radio libertaire, Femmes et mondialisation, le MAPP, la LCR, le CPL, la Coordination lesbienne nationale , Femmes et changements, le MFPF, l’AFFEM, la FAI, le Nid, RAJFIRE, Relief, Les Alternatifs, Sofa ( Haït), Femmes solidaires, la Cadac, Femmes et changements, Act up, les Déchaînées, Choisir La cause des femmes, le CIBEL, Commission Femmes d’Amnesty International… Cf., le compte-rendu de la "Réunion unitaire sur le système prostitutionnel" fait par le Collectif.

[4] Je comptais participer à la seconde réunion en date du 16 octobre. Mais compte tenu de l’intitulé du compte-rendu de la réunion du 24 septembre : "Réunion unitaire" - alors que le débat venait de commencer et que j’étais pour ma part en désaccord avec les principes et les projets du Collectif - j’ai décidé de ne pas m’y rendre. Ma critique restera donc seulement écrite. Je demande donc, si le terme d’"unitaire" n’est pas enlevé, que mon nom soit retiré du compte-rendu de la réunion du 24 septembre et que ma demande soit inscrite dans le compte-rendu de la réunion du 16 octobre.

[5] C.P.L : Comité permanent de liaison des associations abolitionnistes françaises pour l’abolition du proxénétisme et la prévention de la prostitution.
Je voudrais dire mon étonnement d’avoir lu dans le Compte-rendu du Collectif en date du 23 avril 2001 ceci : [….] "La commission (de travail sur le système prostitutionnel du Collectif) s’est posé aussi le problème des alliances, notamment avec le CPL Pour certaines, cette alliance serait possible ponctuellement. Pour d’autres, elle est impossible, car il se trouve à l’intérieur du CPL des associations moralistes qui ne se préoccupent pas de la parole des prostituées". En effet :
* C’est la première fois que je vois ne pas aborder la question des "alliances" non pas en fonction du texte sur lequel une adhésion est demandée, mais en fonction de la qualité supposée de ses signataires. Pour poursuivre la logique, la signature conjointe des Verts et d’Act Up suffirait-elle à invalider un (autre) texte ?
* Je ne comprends pas comment il peut être, politiquement, possible de poser la question des "alliances", avant même d’avoir défini la politique devant la fonder.
* Je n’accepte pas que l’on qualifie [certaines] associations - par ailleurs non nommées - comme "moralistes" . Ce terme en effet soit signifie que l’on traite des "mœurs" (Le Littré ) soit "des mœurs, de la nature, de la condition humaine". (Le Robert). Dans les deux cas, c’est alors une tautologie. Il peut aussi signifier "une personne qui, par ses paroles, son exemple, donne des leçons , des préceptes de morale" (Le Robert). La question est alors de savoir à quelle "morale" on se réfère soi même, et de l’expliciter. Sinon l’emploi de ce terme ne peut que cautionner ceux et celles qui sous couvert de critiquer le moralisme "des autres" justifient leur propre amoralisme.
* Affirmer que "certaines associations […. ] - signataires d’un Appel abolitionniste - ne se préoccupent pas de la parole des prostituées" est inacceptable. Et n’a d’ailleurs pas de sens.
* La conclusion que j’ai donc tiré de cette curieuse "appréciation" politique est que l’"Appel à entrer en résistance contre l’Europe proxénète" - est quasiment invalidé par "la commission de travail sur le système prostitutionnel du Collectif Droits des femmes". Ce que je refuse.
Je considère en effet ce texte comme le texte abolitionniste de référence de ces dernières années.

[6] Cf., Marie-Victoire Louis, Pour construire l’abolitionnisme du XXI ème siècle. In, Cahiers marxistes, Bruxelles. La prostitution, un droit de l’homme ? Juin/juillet 2000. N° 216. p. 123 à 151. (Reproduit sur le site des Penelopes)

[7] Je remercie Catherine Le Magueresse de ses commentaires critiques.

[8] C’est sans doute cette ambiguïté politique qui a pu expliquer la présence le 24 septembre de nombreuses associations, syndicats, partis dont plusieurs n’étaient ni féministes, ni abolitionnistes.

[9] L’expression "penser le système", qui renvoie à l’individu-e pensant, court par ailleurs le risque d’être modifiée au gré de l’évolution de la dite pensée. Il en est de même de l’expression "Nous nous définissons comme [abolitionnistes féministes], utilisée dans le CR du Collectif de la réunion du 24 septembre.

[10] Qui en effet est - formellement - "pour" la violence contre les femmes ?

[11] Il m’a ainsi été dit qu’un membre du cabinet de F. Fillon, ministre des Affaires sociales, du travail et de la solidarité du gouvernement Raffarin, définissait récemment par ce même jugement de valeur : "c’est une violence contre les femmes", la position politique du gouvernement actuel sur la prostitution.

[12] On peut apprécier la rigueur de la formulation et s’intéresser aux conséquences politiques et juridiques de l’emploi du terme de "contraindre".

[13] On notera la précaution d’usage.

[14] On notera cette délicate description de la relation proxénète / prostituée.

[15] Pour ceux et celles qui n’auraient pas osé vraiment comprendre, cela signifie que son proxénète lui prend, lui vole, lui extorque avant même qu’elle ne le reçoive, son argent. Par la violence, bien sûr.

[16] Les personnes prostituées à la peau, au cœur et au sexe blindés par les coups, la violence et la quotidienneté du mépris doivent donc elles être considérées comme ne "ressentant" rien et donc n’étant pas l’objet de violences ? Et le "ressenti" devant s’exprimer, toutes celles contraintes au silence pourraient -elles, elles aussi, entrer dans cette catégorie ?

[17] Que la référence de fait à l’article de Nicole Claude Mathieu - "Quand céder n’est pas consentir" - , publié dans le livre l’Arraisonnement des femmes , cité en bibliographie, puisse être grossièrement détourné de sa signification féministe est une honte.

[18] Cabiria 2002, Rapport de synthèse. Recherches. Activités. Le dragon Lune. Cabiria, Février 2002. p.47.

[19] Comment une telle association peut-elle, alors qu’elle écrit cela, entre autres "analyses", affirmer être une association de défense des personnes prostituées ? Affirmer défendre leur "santé" ? Et bénéficier de fonds publics ?

[20] Aucun n’a même fait avancer dans un sens plus progressiste la convention abolitionniste de décembre 1949.

[21] Le Maroc avait, lors de la discussion de cet article proposé la rédaction suivante : "Les Etats-parties prennent toutes les mesures appropriées, y compris législatives, pour supprimer la prostitution, le trafic des femmes et l’exploitation de la prostitution des femmes". Les Pays-Bas ont voté contre l’amendement marocain "parce qu’il avait introduit un nouvel élément qui était inacceptable". In Lars Adam Rehof, Guide to the UN Convention on discrimination against women. International studies in human rights. p.91. Je remercie Catherine Le Magueresse de m’avoir fait connaître ce document.

[22] Les débats actuels qui ne font quasiment jamais référence à l’histoire - et lorsque c’est le cas, si souvent de manière erronée - ne situent quasiment jamais le contexte politique mondial et européen, jouent eux aussi un rôle de leurre.

[23] Pour ma part, j’analyse le système patriarcal comme le système qui met en place la perpétuation des conditions politiques, économiques, symboliques permettant de contrôler les différents droits d’usage des sexes et donc des corps des femmes.

[24] Le chiffre fantaisiste, jamais étayé, ni justifié de 30 % d’hommes prostitués, sans autre clarification, a une fonction essentiellement idéologique : diminuer l’énormité du poids du système prostitutionnel à l’encontre des femmes.

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