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Féminisme : les mouvements féministes des années 60’ à nos jours

jeudi 1er février 2001, par Nicolas Bégat

Par Stéphane Dassonville

Cette étude, qui se veut panoramique, pose l’éternelle question de l’universalisme et du différentialisme. Les conclusions de l’auteure ouvrent le débat puisqu’elle prédit la " disparition " de mouvements qualifiés de radicaux, prônant la haine de l’homme, avec un grand H, et donc contraires au féminisme tout en reconnaissant formellement les acquis des différents mouvements depuis les quarante dernières années.


L’urbanisation a grandement modifié le rôle des femmes dans l’économie domestique. Dans les générations pleines du Baby Boom, les filles sont plus nombreuses À poursuivre des études et à découvrir les injustices qui les frappent. A une période où l’on entend parler du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, du mouvement des populations noires et de celui des colonisés qui ont entrepris de grandes luttes pour la reconnaissance de leur dignité, des femmes jeunes et instruites vont prendre conscience de leur condition, et par le biais des associations, vont tenter, elles aussi, de conquérir leur liberté. Ceci afin de ne plus être considérées comme un objet sexuel dans la vie quotidienne.
Ainsi, nous tenterons au cours de cet exposé de voir dans quelle mesure le mouvement associatif des femmes a contribué à la conquête de l’égalité et de l’émancipation des femmes.
Il paraîtra intéressant d’examiner dans un premier temps les sources du féminisme contemporain ( I°/ ), puis d’une part la marche des femmes vers l’égalité via les associations ( II°/ ), et d’autre part la perte de vitesse du phénomène associatif ( III°/ ).


I°/ Les sources du féminisme contemporain :

A/ Simone de Beauvoir et le " deuxième sexe " :
En 1949, Simone de Beauvoir donne une impulsion nouvelle au féminisme avec son livre intitulé " Le deuxième sexe ". Cet ouvrage renouvèle de fond en comble l’analyse féministe et propose des solutions radicales au problème de la lutte des sexes.
On peut dire que tout le féminisme contemporain procède du deuxième sexe. Ainsi, ce sont les Américaines qui lui doivent souvent leur " radicalisme ".
Le deuxième sexe est à la fois une analyse et un procès. Analyse complète et cohérente de la condition féminine à travers les étapes, les conséquences et le procès du patriarcat, du pouvoir " mâle ".
La thèse défendue est que la majorité des femmes a toujours été tenue à l’écart de la marche du monde, ceci car les hommes, qui se posèrent d’emblée comme les seuls responsables, leur refusèrent la possession d’une existence autonome.
Cet ouvrage pose aussi un postulat : " on ne naît pas femme, on le devient ", qui souligne que non seulement il n’y a pas de nature féminine préétablie qui justifierait la ségrégation sexuelle, mais qui pose aussi l’idée que la condition de femme, et l’existence en tant que femme est un combat.

B/ La pensée marxiste :
Le marxisme offre une place légitime À la lutte des femmes, ainsi dans la famille l’homme tient place du bourgeois, tandis que la femme figure le prolétariat.
Le mouvement marxiste retrouve dans cette lutte la lutte collective, le projet révolutionnaire. La pensée marxiste se focalise sur l’exploitation des femmes dans le travail domestique, qui serait donc la condition commune à toutes les femmes, donc une représentation à l’échelle de la famille des groupes sociaux et des classes. Mais l’exploitation ne se résumerait pas qu’au domaine économique.
Le communisme moderne, la publicité portent atteinte à la dignité de la femme :
La publicité véhicule que les femmes sont des objets sexuels. La lutte des femmes est une lutte anti-communiste car " la femme est identifiée à l idée même de propriété ".

C/ Le MLF et le mouvement de libération de la femme :
Le MLF a surgit à la conjonction de deux faits historiques : les mouvements contestataires de 1968 qui constitue son contexte socio-politique immédiat, et la lente évolution, au court du siècle, du rôle des femmes dans la vie sociale et culturelle.
Grâce à ce mouvement, les femmes ne se battent plus seulement, comme au début du siècle, pour entrer dans les métiers, les partis, les syndicats ou les associations professionnelles ; sur ce plan elles ont obtenu assez de victoires pour s’interroger sur celles-ci ; désormais, l’enjeu est clairement d’obtenir le pouvoir de dire, représenter, proposer, décider. Mais aussi, le pouvoir d’innover, mais celui-ci repose sur la liberté.

II°/ La marche des femmes vers l’égalité via les associations :

A/ Les mouvements : un phénomène de masse chez les femmes :
1°/ Les mouvements issus du féminisme réformiste
A la parution du deuxième sexe ", le mouvement féministe connut un nouvel essor. Avant 1968 et la crise des valeurs bourgeoises qui donnèrent naissance au féminisme radical, de nombreuses associations féministes avaient déjà posé le problème de l’aliénation de la femme dans la société.
Des groupes furent créés, ceux déjà existant suscitèrent un regain d’intérêt. Ce mouvement trouvera son aboutissement avec la création en juin 1974 d’un secrétariat d’état à la condition féminine.
Toutes ces associations qui se veulent apolitiques ne remettent nullement en cause la société actuelle. Elles tendent à une meilleure intégration des femmes dans cette société et défendent les versions " modernes " de la femme au foyer. Elles visent à des améliorations ponctuelles du sort de la femme.
L’accommodement bien incertain qu’elles proposent entre la vie professionnelle et la vie au foyer semble fort précaire.

2°/ Les mouvements issus du féminisme radical
Le mouvement étudiant de mai 1968 est une vaste remise ne cause des fondements de la société industrielle, notamment au niveau de la vie quotidienne, aussi les problèmes des rapports homme/femme, de la famille, de la sexualité n’ont pas échappé à cette remise ne question. C’est dans cette optique de remise en question de toute la société que des mouvements radicaux vont apparaître. Mai 1968 phénomène international donnera aux Etats-Unis un mouvement radical : Women’s Lib.
L’influence de Women’s Lib devint évidente en 1970, et la première grande action ponctuelle du MLF, le dépôt, le 26 août 1970 à l’arc de triomphe, d’une gerbe en l’honneur de la femme du soldat inconnu, etait un acte de solidarité avec les féministes américaines, qui, le même jour, organisaient une grève des femmes au niveau national.
C’est en mai 1970 que le mouvement féministe se radicalise, le groupe féministe de l’Université de Vincennes organise un débat public sur l’oppression des femmes. Ce débat suscitera des réactions très hostiles chez les hommes présents, surtout des gauchistes. Les femmes décident alors de les expulser. Cette expulsion consacre officiellement le choix de non-mixité si caractéristique du nouveau mouvement " féminitaire " des 1970’. C’est dès lors qu’aux yeux des militantes le mouvement féministe naît, ce qui est en opposition en réalité avec l’opinion publique, qui elle considérait que le mouvement eut été baptisé, qu’il eut porté un nom, ou encore qu’il eut choisi un sigle pour être reconnu.
On peut s’interroger sur l’utilité d’une radicalisation du mouvement féministe excluant alors les hommes de la lutte, alors que quelques années plus tôt encore de nombreux hommes se battaient pour cette même cause.

B/ Acquis législatifs et évolution des mentalités :
1°/ Acquis législatifs
Les acquis législatifs obtenus sont nombreux, certains sont formels d’autres sont de réelles évolutions juridiques :
&Mac183; 1967 : libéralisation de la contraception
&Mac183; 1970 : remplacement de la notion de " père de famille " par " autorité parentale "
&Mac183; 1975 : divorce par consentement mutuel
&Mac183; Loi Weil 17 janvier 1975 : dépénalisation de l’avortement
Cette dernière loi est issue d’une longue lutte, et notamment d’un manifeste intitulé manifeste des 343 datant du 5 avril 1971. Ce manifeste contient cette phrase : " je déclare avoir avorté ". Cet appel publié dans le nouvel observateur est signé de 343 femmes dont Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, Françoise Sagan, ou encore Catherine Deneuve...Ce scandale est répercuté dans toute la presse nationale et internationale. Pour la première fois, des femmes déclarent qu’elles ont enfreint la loi de 1920, ce qui leur vaudra l’appellation : " les 343 salopes ". En 1972, de nombreuses manifestations se déroulent durant le procès de Bobigny, l’issue est spectaculaire : relaxe.
&Mac183; 1975 : répression des discriminations sexuelles à l’embauche
&Mac183; 1980 : meilleure répression du viol (passage de délit mineur à un crime)
&Mac183; 1983 : égalité professionnelle entre hommes et femmes
&Mac183; 1984 : égalité complète des époux dans la gestion du patrimoine de la famille
&Mac183; 1992 : création du délit de harcèlement sexuel dans les relations de travail
&Mac183; 1993 : autorité parentale conjointe à l’égard de tous les enfants
&Mac183; 1999 : loi sur la parité
A travers toutes ces lois, le privé devient politique. On peut aussi s’interroger sur la nécessité de lois formelles sans réelle portée normative (loi sur la parité) et dont la plus grande utilité n’a de fins que politiques.

2°/ Evolution des mentalités
En 1995 un sondage a été réalisé : 77% des femmes estiment que le mari et la femme doivent contribuer l’un et l’autre aux ressources du ménage. 79% des femmes pensent que le partage des taches ménagères est un élément important dans le succès du mariage. 86% des femmes déclarent qu’ils feraient confiance à une présidente de la république.
Dans le domaine de la vie privée, plus le niveau d’éducation est élevé, et moins les femmes se marient, et plus elles divorcent. On constate en fait une alternative au mariage traditionnel.
Dans le domaine de la culture, création d’une presse " féminine ".
Dans le domaine de la participation politique, les membres de " choisir " (mouvement féministe) sont présentent aux élections de 1978, ceci visant à faire pression sur les instances politiques traditionnelles.
Mais, malgré toutes ces avancées, on remarque que le mouvement s’affaiblit dès 1980.

III°/ Un phénomène associatif en perte de vitesse : les années 80’ :

A/ Récupération politique et médiatique :
1°/ Récupération politique
Le féminisme s’est institutionnalisé, ceci notamment avec la création d’un ministère des droits de la femme. Yvette Roudy expose ne 1981 un projet visant à interdire les représentations dégradantes de la femme dans la publicité et la presse. Mais celle-ci est accusée de vouloir bâillonner la liberté d’expression et son projet est abandonné.
On peut distinguer les féministes radicales de celles socialistes et libérales qui restent pourtant alliées à des idéologies politiques dominantes et donc sont subordonnées à celles-ci.
Les féministes radicales adhèrent à une pensée politique visant à l’autonomie féminine, cette pensée rappelle le mouvement anticolonialiste. Bien que les féministes socialistes aient un discours centré sur la lutte des classes, elles se rapprochent de celles radicales en ce qu’elles veulent tous deux une refonte de l’ordre social. Seules les féministes libérales se distinguent vraiment de ces deux autres mouvements par leurs idées : celles-ci soulignent l’importance d’obtenir des droits égaux dans le cadre d’une société politiquement et socialement pluraliste.
On peut donc en déduire que les féministes ont été prises dans l’engrenage des tensions politiques et extérieures au mouvement originel. Ceci peut être un peu dans le but de chercher leur propre voie et dans le but de conserver leur large capacité d’action. Ainsi placée à l’extérieur et à l’intérieur des traditions politiques dominantes, elles contribuent à l’évolution des pouvoirs politiques.

2°/ Récupération médiatique
Cette récupération médiatique est en fait le combat mené concernant l’image des femmes, concernant l’utilisation du corps de la femme dans les médias. Ainsi les publicitaires se résument souvent à l’image " femme-potiche ", " femme-bonniche ", ou encore " maman-putain "... Ainsi les situations représentées, dévalorisent le plus souvent les femmes et sont en décalage par rapport à la réalité économique et sociale ( peu de sportives, peu de femmes actives...)
Pourtant certains annonceurs, comme Dim, adoptent des stratégies différentes et montrent des femmes libérées, indépendantes et sexy.
Mais dans le domaine de la grande consommation (lessive, produits d’entretiens, hygiène...) les images sont répétitives et traditionnelles.
On constate donc qu’en France, la publicité érotique fait partie de la vie quotidienne. Cependant le terme d’érotique me paraît un peu fort, en effet le terme est employé par les féministes, et ne peut-on pas voir dans ces publicités une critique de " l’homme-voyeur ", ou encore de " l’homme-obsédé " (publicité Bultex)...Faut-il là aussi faire évoluer les clichés qui sont véhiculés par les féministes (ex : publicité Mir qui montre des hommes voulant faire la vaisselle...enfin ! Nous ne sommes pas tous des " bourreaux-machos-assis-deavnt-la-télé ")

B/ Conséquences et éclatement des mouvements :
Du fait d’un climat social, politique, économique qui s’est assombri : la génération des trente glorieuses est confrontée à la crise, angoissée par son avenir, plus conformiste dans les choix de vie et plus méfiante à l’égard des idéologies et de l’action collective.
Cette démobilisation est en fait une certaine conséquence du féminisme : d’une part parce qu’il à atteint ses principaux buts, et d’autre part du fait d’une radicalisation trop forte de nombreux mouvements, les excès de ces féminismes là marquent alors plus les esprits que les victoires faciles faisant ainsi du féminisme un repoussoir.
Au final, le féminisme s’est divisé en deux mouvements : l’un voulant l’égalité et voulant supprimer la différence entre les genres, l’autre prônant la différence et mettant en valeur la différence sexuelle. Le féminisme perd son souffle et s’écarte du pouvoir politique.

Conclusion

Ce mouvement féministe a contribué à la politisation d’un secteur crucial de la vie privée. Ces mouvements qui au début étaient de petits groupes de jeunes, la plupart estudiantins de gauche ont lancé une nouvelle vague d’idée, culturelles, sociales, et politiques très attractives. Au début ils toucheront quelques femmes puis s’élargiront aux ouvrières, aux employées et préfigurent ainsi un vaste mouvement social.
Ces mouvements seront récupérés politiquement laissant supposer une certaine évolution plus rapide, mais en réalité le mouvement féministe s’est perdu dans les débats d’idées, en oubliant un peu son but premier : l’amélioration des conditions de vie de la femme dans cette société. A vouloir trop d’égalité on en perd peut-être une certaine identité de la femme, n’oublions pas qu’il faut cultiver la différence dans l’unité et pour cela la femme doit aussi accepter son statut d’Homme.
On peut pourtant voir que le féminisme tente un retour au sources vers l’amélioration de la vie des femmes dans cette société en menant de nouveau combats, plus sociaux : combat pour les crèches, les maternités, les gynécologues... D’autres mouvements à mon sens plus radicaux sont selon moi voués à disparaître car on tendance à orienter leur débat vers la haine de l’homme...c’est une grande déformation de l’idéologie féministe qui n’est pas de détruire l’homme, mais de vivre avec lui à égalité dans leurs différences.

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